On pourrait bien mourir demain, te disais-je alors. Tu ne comprenais pas, ton regard s'égarait, je répétais, on pourrait mourir demain. Cette idée me traversait sans arrêt, je la sentais palpable, mouvante, protéiforme mais bien réelle. Puis je te glissais je me sens plus à l'aise, quand je ne suis pas chez moi et tu ne comprenais pas le lien dans ma pensée, tu te bornais donc à ignorer inlassablement ce que tu ne pouvais saisir, par paresse.
Plus tard, lorsque je croisais ce regard et que je repensais aux détours tortueux de ma pensée, j'imaginais faire le tour de mes livres, de mes histoires, ouvrir tous mes carnets, en faire une grande étoffe, pour relier les réalités ; en faire une aventure, laisser la porte ouverte aux questions que je brûlais de poser et aux réponses que j’aurai feint de n’avoir aucune pudeur à livrer, comme si la nuit tombée avait débusqué le pouvoir de relier mes mondes dans les siens, un lieu alors inconnu, mais qui aurait eu la grâce de me rappeler que toutes les questions méritaient une réponse. 
Mais alors que je ne pouvais chasser la lassitude qui alors m’agrippait, je suis revenue à mon point de départ, à la pensée initiale et j’ai arraché ma peau comme un vêtement, avec comme unique raison, l’envie de raconter une histoire ou d’écrire ma pensée, que l’on écoute mes idées décousues, que l’on m’entraîne vers des mondes inconnus, des idées sans interruption. Je repensais au monde au bord de l'océan où j’étais recluse, séparée de mon philtre, comme une mélopée, comme un écho, inatteignable, à la limite de l’immatériel, rivé sur mon nuage d’hélium, j’ai retrouvé toutes celles que j’avais été et puis j’ai eu envie d’enjoindre nos hanches, de collecter les peaux dont nous nous étions tant de fois vêtues, sur le pas des portes des mondes qui n’étaient pas les nôtres. J’ai ramassé nos restes, parce que je voulais conter une histoire, en acceptant l’ensemble qui n’est abreuvé que de tout et son contraire, en laissant les polarités m’habiter, en construisant ma maison, ne laissant jamais la porte se refermer sur rien, pour donner aux choses le pouvoir d’entrer, aux émotions de me traverser si d’aventure ce qui se trame sous mes doigts est une ludicité, une envie de jouer, en me rappelant sans cesse la mélodie d’alors.

Rien de grave, plus jamais rien de grave.
Ni la pluie, ni le vent, ni la nuit, ni le temps.