Il y a quelques mois, j’ai dû quitter l’océan, quelques livres et rompre un morceau de moi. Puis, il y a quelques semaines, j’ai posé mes valises, quelques livres et une histoire à écrire dans les alpages dont je ne sais rien.
Pourtant, je ne me sens pas étrangère dans ce lieu qui ne me reconnaît pas, parce que je ne sais plus rien de moi. En cédant mes histoires préférées, ma fierté et ma peur, j’ai arraché un bout et je façonne l’argile à nouveau, reconnaissante de cette création, tétanisée du résultat qui naîtra de sous mes doigts.
Pourtant, je ne me sens pas étrangère dans ce lieu qui ne me reconnaît pas, parce que je ne sais plus rien de moi. En cédant mes histoires préférées, ma fierté et ma peur, j’ai arraché un bout et je façonne l’argile à nouveau, reconnaissante de cette création, tétanisée du résultat qui naîtra de sous mes doigts.

J’ai quitté une maison, où je ne me suis jamais sentie chez moi, mais une ville où -dès les premiers instants- tout m’était familier, c’était la cartographie d’une géographie que je connais depuis toujours, les saisons, la lumière, le sable fin, les pins et le sentier vers l’océan. En arrivant dans cet endroit, j’avais le sentiment de rentrer chez moi, de poser mes valises, qui avaient vu tellement d’appartements et de déménagements, de lassitudes et d’émerveillements, de chagrins et de joies. Je m’arrêtais dans un lieu où la nouveauté était moins forte qu’alors, mais qui cadrait avec mon envie de rentrer à la maison.
En quittant cet endroit, le coeur lourd pourtant essoré, des drames d’un morceau de vie où l’on m’avait abîmé plus que je ne voulais l’admettre, je me suis demandée si je n’avais pas invoqué ma chute en y posant mes valises, en retournant dans des endroits si familiers que le bruit de ma cheville qui craque m’était absolument inaudible, que je me rendais aveugle à ce qui m’entourait, sommée par l’habitude.
En partant dans la nuit, sans un regard en arrière, les yeux emplis des larmes de tout ce qu’il faudrait réparer, la présence apaisante de mon frère et son amoureuse à mes côtés, la certitude de devoir partir et l’incertitude de tout le reste, je n’étais plus nulle part chez moi.
En quittant cet endroit, le coeur lourd pourtant essoré, des drames d’un morceau de vie où l’on m’avait abîmé plus que je ne voulais l’admettre, je me suis demandée si je n’avais pas invoqué ma chute en y posant mes valises, en retournant dans des endroits si familiers que le bruit de ma cheville qui craque m’était absolument inaudible, que je me rendais aveugle à ce qui m’entourait, sommée par l’habitude.
En partant dans la nuit, sans un regard en arrière, les yeux emplis des larmes de tout ce qu’il faudrait réparer, la présence apaisante de mon frère et son amoureuse à mes côtés, la certitude de devoir partir et l’incertitude de tout le reste, je n’étais plus nulle part chez moi.
Il y a quelques semaines, j’ai rejoint les alpages en vacances pour voir des gens que j’aime et je ne suis jamais repartie, enveloppée sous toutes mes incertitudes, je n’ai pas eu peur de ne rien cartographier. Au milieu des montagnes, qui me fascinent autant qu’elles me terrifient, je me suis fait la promesse de ne plus rien anticiper. Mes valises sont dans un lieu entre deux, mais un lieu où je me sens chez moi, un lieu qui me panse, qui me répare. En me résignant à laisser mon enveloppe au bord de l’océan, j’ai franchi la porte d’une maison où quelqu’un m’attend toujours, mais où personne ne m’attend réellement. Je me laisse porter par les habitudes et les gestes du quotidien de ces gens que j’aime et en faisant cela, j'apprends à prendre l’aide pour pétrir l’argile encore difforme. J’accumule les instants que je suis la seule à consigner, je les entasse dans ma mémoire pour plus tard ; la marque de la brique de lait, la recette de pâtes, les soins de la peau, le verbe acéré, la répartie pendant le dîner, les croquettes dans le congélateur, les vidéos et les rires, les débats sans fin, les cigarettes que l’on ne devrait pas fumer, les dîners bricolés, les allées et les venues, le travail autour de la grande table, j’en fais une collection pour y revenir plus tard, parce que parfois, il neige dans les alpages.
Dans cet endroit où je ne devais pas atterrir, j’ai appris à mettre des mots sur ce qu’était la maison pour moi, à savoir où j’étais chez moi, je ne suis pas chez moi avec les gens que j’aime, je suis chez moi avec les gens avec qui nous nous aimons. Comme dans les maisons de ma cousine -et celles de ses parents, que j’ai vu changer, grandir, s’affirmer, se dessiner, se faire et se défaire au gré de sa trajectoire de vie, j’y ai toujours été chez moi, où qu’elle soit, son endroit sera toujours pour moi la chambre d’adolescentes, dans laquelle nous avons passés d'innombrables heures, à grandir, à pleurer, à rire, à manquer de sommeil, à trop dormir, à écouter de la musique, à lire, à tomber amoureuse, à penser à l’avenir, à être ensemble, surtout, à toujours être ensemble.
Nos lieux se transforment, se déplacent, mais dans les lieux où nous sommes ensemble, nous sommes toujours chez nous. Je suis chez moi auprès des gens que j’aime, auprès de ceux qui me donnent de l’amour, sans poser de condition, dans des liens qui sont sans contrefaçon. Je suis chez moi dans la banalité de ces histoires là, les endroits où l’on peut lire le monde qui est déjà sous nos yeux, où l’on s’interdit de le laisser se dérober sous nos pieds, dans un maillage d’une routine presque insignifiante, mais dont j’arrive toujours à faire les plus beaux contes, pour m’endormir le soir.
Nos lieux se transforment, se déplacent, mais dans les lieux où nous sommes ensemble, nous sommes toujours chez nous. Je suis chez moi auprès des gens que j’aime, auprès de ceux qui me donnent de l’amour, sans poser de condition, dans des liens qui sont sans contrefaçon. Je suis chez moi dans la banalité de ces histoires là, les endroits où l’on peut lire le monde qui est déjà sous nos yeux, où l’on s’interdit de le laisser se dérober sous nos pieds, dans un maillage d’une routine presque insignifiante, mais dont j’arrive toujours à faire les plus beaux contes, pour m’endormir le soir.
Je ne suis plus étrangère, je rentre -enfin- à la maison.